L’art de vendre ta camelote ft. Lonnie

L’histoire de l’art n’est pas la matière préférée de Lonnie. Mais bien obligé de l’ajouter à son programme, il en assure la présentation, professionnel, et même faussement passionné. Lui ce qu’il préfère, ce sont les vraies recherches, sur le terrain, et l’enseignement sur place, évidemment. Il aime entraîner ses meilleurs élèves sur les chantiers archéologique, aux quatre bouts du monde. En attendant ce genre d’opportunité, il en est là à écouter des discours bien chiants d’adultes en devenir, qui eux même, n’ont pas la moindre envie d’être ici. Assit dans le fond de son fauteuil, derrière son bureau, il suit des yeux Mickey et son exposé, peu assuré et bégayant. Puis les questions de ses camarades. Il ne dit rien Lonnie, il laisse faire, c’est le but du TD après tout. Il remercie simplement le gamin qui retourne s’assoir, puis lui se lève pour donner quelques consignes pour les prochains cours. Mais il est coupé par la main levée de Mickey. D’un simple signe de tête, il lui accorde évidemment la parole. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que le petit n’est pas bien dans ses baskets, voir même en pleine crise d’angoisse. Sûrement la cause à la parole qu’il a dû prendre devant tout le monde. Il hoche positivement la tête, le laisse filer. Puis termine ses consignes avant de laisser les autres quitter la salle aussi. Puis il laisse régner son instinct paternel. Il range ses affaires dans son sac qu’il accroche à son épaule, et s’attaque à celles de Mickey, restées sur place. Il enfourne dans le sac du jeune homme, et se dirige avec lui vers les toilettes des hommes. Doucement, il entre, posant son sac et celui du gamin sur un évier. Ne sachant pas trop dans quelle cabine le plus jeune se planque, il enfourne ses mains dans les poches de son pantalon, puis fait quelques pas devant les quelques portes.

_ “ Tu veux un truc sucré ? “

Qu’il demande très sérieusement, les yeux et le nez penchés vers ses pieds, les oreilles tendues.

_ “ Ca va toujours mieux avec du sucré. “

Qu’il marmonne plus pour lui-même, avant de relever le visage vers la seule cabine dont la porte est poussée.

_ “ J’suis sûr que tu le savais très bien... Pour Monet. “

Qu’il ajoute, en direction de la porte. D’un petit sourire en coin des lèvres, bienveillant, un peu charrieur.  

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La voix faiblarde du gamin, de l’autre côté de la porte, laisse à penser l’inverse de ce qu’il dit. Alors d’un léger sourire, Lonnie vient croiser ses bras contre sa poitrine, tout en calant son fessier contre un lavabo. Il scrute la cabine fermée, la seule du lot, attendant sagement que le gamin daigne en sortir. “ J’irais prendre un truc à manger… à la cafétéria tout à l’heure… Merci du conseil. “ Lonnie regrette à cet instant, de ne pas avoir déjà une barre chocolatée dans les poches. Heureusement, il y a un distributeur de collations juste à la sortie des toilettes. Il en profitera sûrement pour l’y arrêter Mickey. Lonnie, il a toujours eu cette habitude avec Iris. Quand elle allait mal, ou qu’elle était en panique, un peu de chocolat ou des Haribo, et elle retrouvait toujours toute sa joie de vivre. Alors dans le vide, il hoche la tête Lonnie, sans perdre ce petit sourire. Il ne réplique rien, il attend simplement que le gosse se montre, sorte de sa cachette.  

Et enfin il sort. Lonnie, ça lui fait relever le nez. Il suit du regard la silhouette du plus jeune qui vient se laver les mains, puis qui finalement, se retrouve à endosser le rôle du coupable. Un jugement qu’il se fait de lui-même d’ailleurs, comme s’il avait à culpabiliser d’être intimidé. Le professeur hoche la tête, avant d’échapper un léger rictus presque ironique. Puis le bleu de ses yeux se détache du gamin pour venir se reposer sur ses pieds.

_ “ C’est comme ça pour tout le monde. “

Qu’il commence, avant de détourner juste le regard vers le plus jeune.

_ “ Faut juste savoir gérer ça, et ne pas laisser tes angoisses te démonter comme ça. “

Il se redresse totalement, rattrape son sac qu’il remonte sur son épaule, puis empoigne celui de Mickey pour lui lancer entre les mains. D’un simple signe de tête, il lui fait comprendre de le suivre. Pas besoin de causer dans un tel endroit, alors qu’il fait un grand soleil dehors. Lonnie prend les devants, quitte les lieux mais s’arrête quelques pas plus loin dans le couloir, devant un distributeur de sucreries. Il prend le temps de fouiller dans sa poche de pantalon pour en sortir un billet qu’il approche de la machine. Il l’insère à l’intérieur puis appuie sur un bouton. Une barre de chocolat maintenant dans les mains, il la tend à Mickey d’un petit sourire compatissant.  

_ “ Tu crois vraiment que tes camarades en mènent plus large quand c’est leur tour ? “

Il enfonce la sucrerie entre les doigts du gosse puis renfourne ses deux mains dans les poches de son pantalon.

_ “ Moi j’crois pas. Mais ils contrôlent. Moi aussi je contrôle. J’étais clairement pas à l’aise au début de ma carrière, devant des amphithéâtres bomdés. Ca s’apprend et ça se travaille. Crois pas que tu sois le seul et te considère encore moins coupable de ça. C’est humain le stresse. “

Et ça Lonnie il a du le travailler dur au début de sa carrière. Il a commencé comme archéologue, et devenait tenir des conférences en cas de découvertes. C'était clairement pas son truc à lui.

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“ Je sais mais… Je n’arrive pas à gérer tout ça, je suis complètement tétanisé. “ Un problème que beaucoup de jeunes de son âge, et même plus, partagent. Certains n’arrivent même jamais à passer outre, et sont obligés de refuser certaines places et métiers qui demandent de participer et faire des conférences, ou même s’adresser à une équipe. C’est particulièrement handicapant, et Lonnie, qui a été contraint de vaincre son stresse pour tout ça, en sait quelque chose. Evidemment, il ignore le passé tumultueux et souffrant de Mickey, mais il n’en reste pas moins persuadé que le gamin pourra s’en sortir et passer au-dessus de ses problèmes. “ Mais comment je peux apprendre ça… Comment vous gérez votre stress vous ? “ Ca c’était une bonne question, à laquelle Lonnie n’avait pas tellement de réponse non plus. La pratique, la respiration, des choses bêtes mais qu’il faut savoir gérer. Les mains retombant dans ses poches, il sourit légèrement tout en hochant la tête de haut en bas.  

_ “ Y’a la pratique, puis faut réussir à comprendre que tu ne risques rien. Si tu maîtrise ton sujet, que tu sais de quoi tu parles, pourquoi tu te planterais ? “

Puis même si ce n’était pas le cas, le ridicule ne tue pas. Il a vu tant d’élèves faire des présentations qu’ils n’avaient pas préparer. Roi en l’art de l’improvisation. Si des beaux parleurs s’en sortent aussi bien, il n’y a aucune raison pour qu’un gamin sérieux n’y arrive pas non plus.  

_ “ J’aime ce que je fais. “

Qu’il ajoute, laissant un léger silence derrière ses mots, fixant le gamin, avant de reprendre.

_ “ J’ai envie de partager ce que je sais, ce qui me passionne, et quand je fais une conférence sur l’un de mes chantiers archéologiques, j’ai envie plus que tout, d'en parler. Alors je ravale mes angoisses, et j’y vais. Je réfléchis pas, j’me dis qu’en face, si ça ne les intéresse pas, ils vont fermer les yeux. Ils ne sont pas là pour me juger. “

C’est une fausse idée que de se dire que les gens d’en face ne cherchent qu’à se moquer. Surtout après les vingt ans. Il n’est plus au lycée et la connerie enfantine est sensé disparaître petit à petit avec l’âge.  

_ “ Le ridicule ne tue pas. Sache-le. Puis entre nous... “

Il se penche légèrement vers lui, d’un sourire malicieux.

_ “ Si tu te plante, c’est pas les gamins d’en face qui vont le comprendre. Ils n’en savent pas plus que toi. Parfois même ils ne maîtrisent rien de ton sujet. “

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“ Je maîtrise mon sujet ! Le problème c’est que je stresse, pas parce que j’ai peur de me planter mais parce que j’ai peur du regard des autres. C’est comme au théâtre… “ Lonnie en sourit de plus belle face au gamin. Il avait l’impression de se retrouver face à lui même y’a vingt ans. A la différence que lui, il avait tellement envie de réussir dans l’archéologie, qu’il a rapidement pris sur lui pour être apte à gérer les conférences. Mais tout le monde réagie différemment, et ça il est bien placé pour le savoir.

_ “ Donc, tu considères que l’image qu’ont les autres de toi, est importante ? “

C’est souvent le blocage, alors que dans le fond, pourquoi s’inquiéter de ça ? Chacun est comme il est, et il va de soi que les moqueurs sont les plus imbéciles de l’histoire. Lonnie a toujours considéré que le plus important, c’était d’être bien dans ses baskets, pas dans celles des autres. Rentrer dans un moule est stupide, si le moule en question t’écrase les épaules.

_ “ Tu crois pas que le principal, c’est d’être fier de toi ? Ce qu’en pense les autres, tu t’en fous. C’est pas eux qui qui forgent ta carrière, ton cv, et ton travail. “

Clairement pas eux qui paieront ses factures. Mais ça on a du mal à l’encaisser quand on a vingt piges. “ Je vais prendre sur moi… et essayer de contrôler mes angoisses. Je ne vais quand même pas rater mon année à cause de ça… ça serait dommage. “ Il penche la tête un coup vers son épaule pour acquiescer, minaudant légèrement en confirmant ses dires. Il sait bien lui aussi, que ce sera plus facile à dire qu’à faire. Mais au moins, il gardera l’œil sur lui et sera prêt à le soutenir. Lonnie, c’est pas un mauvais prof. Il sait reconnaître les lèvres qui ont besoin qu’on les soulève, qu’on les pousse, et ceux qui au contraire, vont préférer qu’on les laisse tranquille. Mickey est clairement de la première case. Timide certainement, de surcroit. Pourtant il prend sur lui, et ose demander au moins un peu d’aide. Lonnie baisse les yeux, se pince les lèvres, hésitant. Il a pas beaucoup de temps en réalité, mais y’a sa conscience professionnelle qui l’empêche de refuser. Il a fait ce métier aussi pour les gosses, ce serait con d’en laisser tomber un qui a pourtant tout pour réussir. Il a juste une lacune ce gamin, il a tout le reste. Alors il relève les yeux vers lui, d’un petit sourire en coin des lèvres.

_ “ J’peux t’aider. Tu prépares des exposés, et tu me les déballe. Je peux m’entourer des squelettes de la salle de sciences si tu veux plus d’yeux braqués sur toi. “

Il fait un V avec ses doigts pour viser ses yeux, puis Mickey, d’un petit sourire taquin. Il espère juste le mettre à l’aise. Il se redresse ensuite, pose ses deux mains sur la bandoulière de son sac à laquelle il s’accroche.

_ “ On fera ça dans un amphi, disons... Les mardis soir, après ton dernier cours ? “

Ce ne sera de toute façon pas long, une-demi-heure maximum. Lui, ça ne lui demandera pas grands efforts. En revanche, le petit il aura des devoirs supplémentaires. M’enfin c’est lui qui a demandé. Il va pas culpabiliser pour ça Lolo.

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